#45 Rivières
Julie Boitte| 08/06/2025
#44 The Forest
I'm going to the trees
and the night
or the sunset.
So far away
and not close
- nevermore never nevermore,
close to your
town, complications, unability
- I'm sorry
sorry for you -
your unability to be
here with me.
And not only
only with yourself.
I'm going to the green
in my surroundings
or far away.
But the wind
soft or strong
everafter and always
able to clean
my mad spirit.
And the woods
into the wild
always, definitely always
secure for me.
Because I'm
not alone, never
alone with sounds
and atmosphere and
perfumes and skins
of the forest.
Julie Boitte| 08/03/2025 | inopinément en anglais lors d'un atelier d'écriture queer à Bxl
#43 L'Autre Monde
Tu as marché longtemps
Et tu as respiré
Ça t’a fait écouter
les cris des papillons.
Rouge.
Ça a duré longtemps
pour arrêter de penser que
seul.e l’autre te raccroche à la vie.
Mais non, tu n’es pas morte.
C’est juste que tu ne regardais que là
à cet endroit précis
là où l'autre
n’était pas.
Maintenant
tu peux t’ancrer
toucher la terre
regarder l’Est
respirer l’air
suivre ta chaleur et ton élan
rester changeante-mouvante
tout le temps
Car seule,
tu n’es pas.
Tu ne l’as jamais été.
Regarde juste
autour de toi.
Julie Boitte | 2021 Extrait de 'Dis-toi que ton coeur est celui d'une bête sauvage' Poésie Electro-Rock de Mocosès
#41 Denise
(...) parce que pour Denise,
c'est pas qu'il n'y avait pas eu de prétendant.e.s.
Des beaux, des belles, des riches et des intelligent.e.s.
Les voisin.e.s les avaient vu défiler devant la maison.
Alors,
chacun.e se demandait POURQUOI aucun.e n'était resté.e.
Non, ça ne pouvait pas être 'juste' à cause des poignées de porte?
Si? Non?!
Etait-ce si grave que toutes les poignées de portes de chez Denise
soient
en os? (...)
Julie Boitte | 2015 Extrait de "Antre[s]" sous le regard extérieur de Didier Kowarsky
#40 Iel et Suzie
(...) On est arrivé.e.s loin. Dans un autre jardin, celui des têtes coupées. On s’est planté.e, enterré.e, sans bouger. Isolé.e. Désespéré.e. Cette îlinvent’ n’était donc pas, idéale ? C’était insupportable. Mais impossible de s’en remettre aveuglément. Îleinvent’ ou pas.
Alors, nous avons goûté à la contemplation du devenir plante, végétal, liane, à qui on ne demande rien. Et ça a duré. Le temps que les veines d’Iel se recousent.
Là, Iel a fait vibrer, son corps et ses os, avec la terre, de cette voix profonde-rauque, cristalline-légère. Et la terre répondait. Et la terre était, fécondée. Et la terre faisait naître-surgir une plante, teintée du rouge carmin-cramoisi-pourpré-rosé : c’était, selon l’émotion, une plante qui ouvrait toutes les portes de la perception.
Les plantes parlaient à Iel. Iel n’avait qu’à, se brancher-connecter. Iel a appris COMMENT TOUJOURS AVOIR DE L’AIR, pour respirer même dans une bulle enfermé.e.s. (...)
Julie Boitte | 2022 Extrait de "Iel et Suzie" pour le projet Europe/Québec "L'île inventée"
#39 Carmilla
(...) D’aussi loin qu’elle s’en souvenait, bien que fille unique, et bien que sa mère soit morte alors qu’elle était enfant, Laura ne s’était jamais sentie seule.
Il y avait toujours eu la brise dans le jardin, le vol des chauve-souris, le hululement des hiboux, les pas feutrés des renards. Et dans le manoir tout entier, les effluves de parfums anciens, les froissements de tissus invisibles, les craquements du parquet et les portes qui décident elles-mêmes de s’ouvrir.
Mais depuis que Carmilla -l’invitée- était arrivée, Laura ne pensait qu’à elle. Passait tout son temps avec elle, faisait tout comme elle, elle était comme aimantée, irrésistiblement attirée.
Elles avaient le même âge, portaient le même modèle de robe de nuit, et chacune dans sa chambre laissait une bougie allumée sur sa table de nuit, et chacune chaque nuit, fermait la porte de sa chambre à clé de l’intérieur. (...)
Julie Boitte | 2022 Extrait de "Mon sang coule dans tes veines" balade contée singulière
# 34 La Lenteur
Quand le temps ne passe pas
Ou quand il passe trop vite,
Est-ce identique?
Je suis la tortue qui parfois hésite
Au lieu de poursuivre sa route
Tracée.
Si je m'arrête c'est pour
Sentir.
Ce qui serait juste
Pour moi seulement
(C'est là la dureté).
C'est LE défi
De chaque instant.
Revenir dans son corps
Lentement.
Plongeant.
Sentant son cœur qui s'emballe.
Et le calmer.
Redescendre profondément
Dans le fond du gouffre
Dans le fond du
souffle.
Respirant.
Jusque dans le ventre les tripes tous ces endroits dont on ne peut pas
- toujours pas -
Parler librement.
Même si Tout
Vient toujours de là.
De ce qui frémit depuis l'infini
Ce qui fait vibrer la moindre cellule
Et qui n'a jamais été
Petit.
C'est seulement qu'on lui a dit
De se taire de se diminuer de se planquer
Pour ne pas déranger.
Alors oui
Si tu te dépêches tu ne déranges pas tu fais ce qu'on attend de toi tu ne sens rien tu ne sens pas tu ne te relies pas à ce que l'extérieur pressé ne voit pas.
Car oui
Ces choses-là ne se donnent pas
Comme ça.
Car elles le savent
Qu'elles peuvent si vite
Et si durablement
Être abîmées.
Mais
TOUT est toujours venu de là:
Du fond.
De là où
On ne peut descendre que lentement.
Pas à pas.
Barreau après barreau après barreau, innombrables.
Clôture après barrière,
Barrage après barricades,
Innombrables.
Et de plus en plus solides.
Ou pas...
Si tu cesses de décider
avec ta volonté.
Si tu te laisses faire.
Si tu les laisses
T'ouvrir.
Le souffle lent
Donne douceur
Et calme.
Alors,
Au fond du fond du ralentissement le plus grand
- et toujours en mouvement pourtant -
Au fond du fond de ce fond-là
Quelque chose s'ouvre.
Une autre dimension un autre thème un univers
Qui réhydrate les racines retournées.
Qui ravive les couleurs rêvées.
Qui recrée ce lien
‘’Inimité’’.
Et c'est seulement quand je suis quand tu es quand nous sommes
Dans ce temps autre
Que
QUELQUE CHOSE
Se passe.
Une chose
Lente
Ou fulgurante.
Julie Boitte | janvier 2021 - prix reçu d'Uccle en poésie le 15 novembre 2021, catégorie slam
27# Octopussy Girl
Elle ferme la porte de sa chambre à clé, toujours.
Le bouton de la porte est rond et brillant.
Mais ce n'est pas vraiment une porte. C'est un trompe-l'oeil. Il n'y a pas de porte en fait.
La fenêtre, elle, est réelle. Sans vitre - forcément, dans un château, il n'y a pas de vitres aux fenêtres.
Dehors, on voit la campagne.
Les montagnes bleues.
Les peupliers, tendus vers le ciel comme des gouttes d'eau, verte.
Et la route, sinueuse, qui va jusqu'à la mer.
De sa chambre, elle voit la mer. C'est de là qu'elle vient. Mais elle avait envie d'une demeure majestueuse. D'où, le château.
Elle n'est pas seule dans le château.
Sur les murs se posent une mouche aux yeux rouges et aux ailes blanches, et un scarabée qui se blottit dans le coin quoiqu'elle lui dise.
Au sol, sur le carrelage vert et blanc comme un jeu d'échec, il y a sa grenaraignée àzailes. Ce sont ses enfants. Mais autonomes déjà.
Pour eux, sur le mur et le carrelage, elle a tout prévu : une pomme qui fait bien 30 cm de diamètre et qui pend du plafond, tenue par un fil solide. La pomme est jaune. Son nom, c'est « Délice d'or ». Les enfants n'ont qu'à se servir.
Ainsi elle peut rester alanguie dans son fauteuil rouge et douillet. Un coussin rose lui soutient le dos.
Elle passe son temps à peigner ses cheveux noirs et épais. Son peigne n'est pas un peigne de nacre, c'est surfait, le nacre, mais l'ébène, ah l'ébène.
Ses cheveux sont retenus par un bandeau bleu. Ses yeux sont gris, ses lèvres rouges. Sa peau est rose pâle jusqu'à la taille. Au-delà, elle a 8 tentacules à ventouses qui gigotent à leur aise. Et surtout, qui lui permettent de s'appuyer sur le rouge du fauteuil d'un bras et de se peigner les cheveux de l'autre tandis que l'une des 8 tentacules tient son miroir en bois clair – l'or, pour un miroir, c'est surfait.
Ainsi, elle peut à la fois se mirer et rêver de la mer.
Car y aller, à la mer, elle ne peut pas.
Car, Elle, garde, la frontière.
(...)
Ce qui va germer ne sait rien.
Mais a la force.
A l’énergie de naître.
A l’espoir d’être quelque chose,
de devenir quelque chose
quelque chose qui vaudra la peine.
Ce qui va germer rêve ses racines: solides,
rêve une croissance, magnifique,
une vie, grandiose. ...
(C’est un espoir.)
Même s’il y a un risque
que ses racines apparaissent entortillées, emmêlées,
un véritable risque que ces racines grandissent de façon tortueuse
cherchant très loin et revenant sans cesse au même endroit
ou repartant à l’autre bout mais,
même si c’est follement,
les racines grandiront.
la chose, ses racines, tout son être
est rempli d’énergie
pour tracer un chemin neuf
encore - jamais - emprunté - auparavant.
(...)
Julie Boitte | 04-05.2018 avec et pour le Trio Oblique avec Catherine Pierloz et Octavie Piéron
Ecailles irisées.
Halo de lumière. Dorée. Toujours dorée.
Flots.
Ecume de chevaux galopants.
Se battre toujours contre le rouge. Taureau.
Cheveux blancs.
Mémoire enfuie. Enfouie.
Qui étais-je avant?
Avant toi? Avant lui? Avant elle aussi.
Flou.
Je vois flou depuis si longtemps.
Peut-être que c'est là qu'apparaîtra le chiffre. Derrière les lignes.
Caché.
Derrière les géométries folles. Du monde. Et de la vie.
Je scrute dans le brouillard. Et j'espère...
J'espère.
Personne ne viendra plus maintenant.
La brume et ses voiles me cachent moi.
Pour que je puisse continuer à dire que je ne sais pas.
Dorée la lumière oui.
Et les écailles?
De dragon.
Pas de sirène ni de gentil poisson.
Julie Boitte | 07.2017
Je cherche.
Une maison pour la nuit
un abri pour le jour
un endroit de repos.
Je cherche.
Une maison où dormir
un abri pour sourire
un endroit de plaisir.
Je cherche.
Un lieu où respirer
l'air pur à grandes goulées...
Je cherche!
Un endroit d'ouverture
où tes yeux seraient là
pour me rendre plus pure,
plus fraîche, et plus mature.
Je cherche...
Julie Boitte | mars 2007
Le ciel est encore bleu
J'ai peur de la mort
Où est mon amant ?
Les arbres nus
Me rappellent ton manteau,
Lorsque nous étions ensemble
La nuit tombe
Les yeux du chat sont verts
Tu es si loin
Les nuages roses
Par la fenêtre de ma chambre
Peuplent ma solitude
L'horloge grince
Mon coeur est fou
A toi contre moi, je pense
Dans ma caverne
A l'abri du monde qui m'agresse
Je t'attends
Le thé brûle
Mes mains sont froides
Je voudrais dormir, enfin
La corneille sur le sommet
Comme un enfant qui pleure
J'ai besoin d'un refuge
Le cyclamen se fane
Mes ongles longs se cassent
Je ne sais plus qui je suis
Dans le creux du monde
Le silence est fou
Tandis que je m'agite, sans cesse
Julie Boitte | décembre 2016
Assise à l'entrée
petite maison-cabane
au pied d'un arbre / en fleurs
elle ne sourit pas
elle tient dans ses bras une poupée
sa poupée
bras de poupée qui tombent
tête de poupée qui part/ en arrière
l'enfant ne pleure pas ne dit rien
ne sourit pas
les yeux dirigés vers le corps sur ses genoux
le regard ailleurs
les mains soutenant le corps de poupée inerte
elle est pieds nus l'enfant
cheveux tressés
raie au milieu des cheveux lisses
robe grise
foncée
col montant
manches longues
pas de bas
jambes dénudées
c'est un soir d'été
la poupée est morte
l'enfant est pensif
après
il ne s'est plus rien passé
Julie Boitte | 10.11.15